Auteur : Dylan Duby, DMV, Ménagerie, le Zoo du Jardin des Plantes, 57 rue Cuvier, 75005, PARIS.
La médecine vétérinaire est un art aux multiples facettes. Aujourd’hui, les médecines complémentaires et plus particulièrement l’utilisation des plantes médicinales reviennent sur le devant de la scène offrant au praticien vétérinaire des cordes de plus à son arc. Répondant au besoin grandissant de notre société à un retour aux sources, l’utilisation des plantes médicinales chez les animaux permet de renouer avec la médecine de nos ancêtres tout en utilisant des procédés technologiques modernes afin de garantir un haut niveau de qualité à ces préparations.
La nature nous offre la possibilité d’agir sur tout type d’affection grâce aux plantes. Tantôt, utilisée seule, tantôt en complément de la médecine moderne occidentale, la phytothérapie permet de traiter les troubles ostéoarticulaires, hépatiques, rénaux, digestifs, respiratoires… Et bien sûr, elle permet de traiter des affections de l’appareil cardiovasculaire.
Les plantes emblématiques du cœur sont notamment l’aubépine (Crataegus oxyacantha), l’olivier (Olea europaea) et le cornouiller sanguin (Cornus sanguinea) qui agiront en synergie avec celles de la circulation que sont le Ginkgo biloba, la pervenche de Madagascar (Catharanthus roseus), la grande camomille (Tanacetum parthenium) ou encore la vigne rouge (Vitis vinifera), le mélilot (Melilotus officinalis), le marronnier (Aesculus hippocastanum) ou l’hammamelis (Hamamelis virginiana).
En fonction de la plante, des indications, de l’animal considéré et de la difficulté d’administration/observance, différentes parties de plantes et procédés d’extraction pourront être utilisés dans la réalisation de ces remèdes qu’il s’agisse par exemple, des bourgeons, des parties aériennes ou des racines.
Souvent, on associera à ces plantes indiquées dans le soutien de l’appareil cardiovasculaire, des plantes apaisantes agissant également sur le système nerveux (ex : stress) et par conséquent soulageant le système circulatoire. Enfin, la pratique de la phytothérapie dans une approche holistique du patient permettra la prise en compte des comorbidités (ex : insuffisance rénale, troubles respiratoires chroniques, processus infectieux, atteintes hépatiques…) et limitera donc la polymédication tout en favorisant l’observance des traitements.
Tous les animaux peuvent être traités à l’aide de la phytothérapie même les animaux sauvages.
Voici deux exemples d’application de la phytothérapie en zoo :
Anjir est un mâle binturong (Arctictis binturong) âgé de 2 ans qui présente depuis 24h une diarrhée aiguë d’origine inconnue. Il est également apathique, dysorexique et souffre de douleurs abdominales. L’examen clinique ne révèle pas d’autre anomalie et aucun signe de gravité n’est décelé. Il semble donc souffrir d’une affection pouvant s’apparenter à une gastro-entérite bénigne. Afin de le traiter, Anjir reçoit alors 2,5 mL une fois par jour pendant 5 jours d’un mélange de Mélisse (Melissa officinalis), Noyer (Juglans regia) et Réglisse (Glycyrrhiza glabra) sous forme d’Extraits de Plantes Standardisé (voir figure ci-dessous). Dès le lendemain, Anjir ne présente plus de signe clinique et retrouve progressivement une activité normale et un bon appétit.
Le deuxième cas est un bel exemple de complémentarité entre médecine moderne et phytothérapie. « Boss », un mâle Ara bleu et jaune (Ara ararauna) de 26 ans, présente brutalement une apathie marquée.Un examen clinique de l’animal ainsi que des analyses sanguines (biochimie), des radiographies et même une endoscopie sont réalisés. Ces examens mettent alors en évidence une silhouette cardiaque anormale ainsi qu’une dilatation des gros vaisseaux partant du cœur. En outre, une déformation des articulations tibiotarso-tarsométatarsiennes (« genoux ») laisse supposer une arthrose bilatérale. Ceci est confirmé plus tard par des images tomodensitométriques (scanner) objectivant cette arthrose et montrant une athérosclérose majeure affectant l’artère brachiocéphalique. L’oblitération partielle de cette artère provoque probablement une hypertension artérielle systémique. Celle-ci est initialement traitée avec de l’imidapril (0,2 mg/kg par voie orale une fois par jour). L’animal reçoit également un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) (méloxicam 0,5 mg/kg une fois par jour pendant 5 jours) pour soulager ses douleurs articulaires.
Afin d’éviter la mise en place d’effets délétères des AINS à moyen terme, un traitement phytothérapique est envisagé. Ici, il ne sera pas possible de recourir aux extraits de plantes standardisés car cela demanderait l’administration d’un volume trop important (1 mL). En effet, « Boss » n’accepte de prendre ses médicaments que dans un bout de madeleine qui doit être le plus petit possible pour ne pas aggraver sa pathologie cardio-vasculaire (Cholestérol). Ici on choisit d’utiliser une préparation de macérats mères de bourgeons ou jeunes pousses de végétaux ; il s’agit de gemmothérapie. En effet, cette discipline permet de n’administrer qu’un faible volume de traitement puisqu’une goutte par jour suffit à traiter le perroquet. L’action du mélange est axée sur l’arthrose car il continue de recevoir son traitement pour le cœur. Cependant, dans une démarche holistique, on choisit également d’incorporer des plantes à tropisme cardiaque. Le pilier de ce traitement est le noisetier (Corylus avellana) car il agira sur les trois cibles choisies (arthrose, hypertension artérielle systémique, athérosclérose). Le cassis (Ribes nigrum) et le pin des montagne (Pinus montana) agissent principalement sur la douleur et l’arthrose. Tandis que le genévrier commun (Juniperus communis) agit sur l’athérosclérose (cf figure ci-dessous). Ce traitement est administré tous les jours pendant trois semaines par mois. Cette pause mensuelle d’une semaine permet de limiter le phénomène d’habituation et permet une réévaluation clinique ainsi qu’une éventuelle adaptation du traitement.
Après une semaine, on observe une nette amélioration clinique et l’absence d’apathie.
Cependant, durant plusieurs mois, Boss connait des épisodes de rechutes et d’améliorations avec un état général évoluant en dents de scie et qui globalement se dégrade lentement. Son traitement (imidapril + gemmothérapie) ne semble plus suffire. Nous décidons de réévaluer son système cardiovasculaire en faisant appel au Pr Valérie Chetboul et à son équipe. L’échocardiographie montre une atteinte cardiaque compatible avec les conséquences d’une hypertension artérielle systémique (parois du ventricule gauche trop épaisses). On ajoute alors à son traitement quotidien un antihypertenseur (amlodipine, 0,2 mg/kg une fois par jour par voie orale). En quelques jours, son état général s’améliore et il retrouve une vie normale au sein de son groupe de congénères.
Tous nos remerciements au Pr Valérie CHETBOUL et à l’ensemble de l’équipe de l’Unité de Cardiologie d’Alfort ainsi que de la Fondation Un Cœur pour leur précieuse collaboration qui nous a permis de nettement améliorer le quotidien de Boss et de nombreux autres animaux de la Ménagerie, le Zoo du Jardin des Plantes.