Les avancées en cardiologie vétérinaire du 20ème au 21ème siècle.
Le premier stéthoscope a été inventé en 1816 par le docteur René Laennec. Au départ, ce n’était qu’un entonnoir en papier roulé, que le praticien appliquait sur la poitrine de ses patients pour amplifier les bruits internes. Aujourd’hui, l’utilisation du stéthoscope est un incontournable de toute consultation en médecine humaine ou vétérinaire et il existe de nombreuses nouvelles techniques d’exploration du cœur. En cardiologie vétérinaire, ces techniques ont surtout été développées à partir de la fin du XXème siècle.
Valérie Chetboul est docteure vétérinaire (PhD, HDR), Professeure de cardiologie à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort (ENVA), agrégée des ENV et diplômée du Collège européen de médecine interne, option cardiologie (ECVIM-CA). Elle dirige actuellement l’Unité de Cardiologie d’Alfort (UCA, ENVA), unité entièrement dédiée à la cardiologie animale dont elle a participé à la création. Elle nous raconte aujourd’hui toutes ces avancées dans le domaine de la cardiologie, qu’elle a vécues aux premières loges.
1) Comment est-ce que tout cela a commencé ?
Au départ, la cardiologie n’était pas une spécialité vétérinaire à part entière. La première consultation de cardiologie vétérinaire en France a été créée à l’école d’Alfort par le Professeur Jean-Louis Pouchelon en 1974. A cette époque, on ne disposait que de l’examen clinique, de la radiographie et de l’électrocardiogramme comme outils diagnostiques.
Je suis arrivée plus tard fin des années 1980 pour apporter la valence imagerie, avec l’échographie. Jeune agrégée de médecine interne, j’étais allée me former en échographie, notamment aux Etats-Unis, car rien n’existait alors en France. C’est le Professeur Robert Moraillon, chef du service de pathologie médicale, qui m’a fait confiance pour développer cette discipline. En une trentaine d’années, nous avons assisté à une véritable révolution dans le domaine de la cardiologie vétérinaire, avec des développements poussés en imagerie, en enseignement et en chirurgie cardiaque.
2) Quels ont été vos travaux en échocardiographie ?
J’ai énormément travaillé sur le développement de nouvelles techniques échographiques, plus poussées que l’échocardiographie 2D transthoracique, à partir de 1999 : le Doppler tissulaire (Tissue Doppler Imaging, TDI) et le Speckle Tracking Imaging (STI), deux techniques d’imagerie de la fonction myocardique régionale.
Ces techniques sont formidables car elles utilisent les ultrasons et ne sont donc pas invasives. A l’époque, elles commençaient à apparaître en médecine humaine mais pas chez les animaux. Nous avons beaucoup publié sur le Doppler tissulaire dans les années 2000. Cette technique d’imagerie consiste à mesurer les vitesses de petits morceaux du muscle cardiaque, de l’ordre du millimètre. Le STI, technique également ultrasonore donc non invasive, permet d’analyser la déformation et la vitesse de déformation de petits segments du muscle cardiaque. On a été les premiers en médecine vétérinaire à décrire et valider la technique dès 2007. L’UCA a été pionnière pour leur adaptation à la cardiologie des animaux, notamment des carnivores domestiques.
3) Comment avez-vous procédé pour les développer ? Est-ce que vous vous appuyiez sur ce qui se faisait en médecine humaine ?
Oui, pour développer ces techniques, je me suis fait aider par des cardiologues de médecine humaine spécialisés en imagerie médicale. Je suis allée les voir travailler et eux sont aussi venus nous voir, mon équipe et moi, pour nous donner des conseils. Cela nous a permis de comprendre les techniques et de les transposer à l’animal.
Ce travail de transposition comprend deux étapes importantes. La première étape est de confirmer la variabilité de la technique, c’est-à-dire qu’on vérifie que les mesures effectuées soient reproductibles et répétables sur un même individu. Une fois que l’on en est sûr, on doit définir les intervalles de référence pour pouvoir identifier par la suite les mesures qui seront normales ou non. Chez les animaux, c’est compliqué car on doit définir un intervalle par espèce, voire un intervalle par race ! Sachant qu’il faut au minimum une centaine d’animaux par catégorie pour définir l’intervalle, c’est un véritable travail de titan !
Il faut savoir que j’ai commencé à travailler sur ces projets en 1999 sans financement et donc sans l’argent pour acheter la machine qui permettait de faire ces images. Elle coûtait plus de 100 000€. Une amie cardiologue en humaine parvenait parfois à me faire prêter une machine pour 48h. On travaillait alors nuit et jour pour récolter le maximum de données, mais tout cela dans une excellente ambiance ! Avec mon élève en PhD, devenue depuis une amie (le Dr. Caroline Carlos Sampedrano), nous en gardons de magnifiques souvenirs ! En 2003, j’ai fait ma première présentation sur le Doppler tissulaire au nom de l’équipe de l’UCA auprès du Collège américain de médecine interne vétérinaire et toute l’audience a été impressionnée par les résultats présentés. L’année d’après, j’y suis retournée en tant qu’invitée d’honneur pour une présentation plus longue. Le mois suivant, les Américains commençaient eux aussi à travailler sur le sujet après avoir acheté une machine. Grâce aux 4 ans de recul que nous avions, nous avons pu publier de nombreux articles scientifiques avant qu’ils ne parviennent à notre niveau. Cela a fait de nous les leaders du domaine et nous avons fini par obtenir des financements pour, enfin, acheter le matériel nécessaire à nos travaux en 2005. Nous avons accueilli par la suite de nombreux confrères étrangers en stage, notamment d’Amérique du Nord, désireux de se former à ces techniques.
4) Quel est l’intérêt de ces techniques en pratique ?
Ces techniques permettent, par exemple, de déceler précocement des dysfonctions du muscle cardiaque (ou myocarde), notamment lors de maladies comme la myocardiopathie hypertrophique (très fréquente chez le chat) ou dilatée (atteignant préférentiellement les chiens de grand format). L’UCA s’est ainsi fait connaître pour ses compétences dans la détection précoce de ces maladies cardiaques. Avec le Doppler tissulaire par exemple, il est possible de détecter des anomalies « microscopiques » du myocarde, avant même qu’elles ne soient apparentes à l’échocardiographie dite conventionnelle. Si tel est le cas, il n’est pas possible d’affirmer avec certitude que l’animal sera malade un jour ou non, et si oui dans quels délais. Toutefois, cela justifie de mettre en place un suivi rapproché du patient, avec des contrôles tous les 6 mois par exemple et une prise en charge plus précoce des animaux malades. Ma volonté de développer ces techniques chez l’animal m’était venue d’une cardiologue humaine spécialiste dans le domaine. Avec le Doppler tissulaire, elle avait été capable de prédire, 5 ans avant l’échocardiographie classique, qu’une fillette allait sûrement développer une myocardiopathie hypertrophique, son père en étant décédé. Cela m’avait frappée.
5) Existe-t-il d’autres nouvelles techniques d’imagerie ?
D’autres techniques ont été développées et nous avons été à chaque fois les premiers ou parmi les premiers à les utiliser. Ainsi, depuis le début des années 2000, on peut faire de l’échocardiographie transoesophagienne (ETO) en passant un endoscope dans l’œsophage. Cela se fait sous anesthésie générale et est désormais utilisé dans toutes les chirurgies cardiaques. Depuis 2017, on dispose même de sondes de la taille d’une allumette permettant de faire l’échographie intracardiaque (Intracardiac Echocardiography, ICE), en rentrant la sonde par les vaisseaux sanguins. Nous avons été ainsi les premiers à décrire une intervention chirurgicale cardiaque réalisée « sous contrôle ICE ».
Enfin, nous utilisons depuis plus de 15 ans l’échocardiographie 3D qui permet d’obtenir une idée extrêmement précise dans l’espace des anomalies du cœur. Ceci est très utile en préopératoire avant d’envisager certaines interventions chirurgicales (du fait de la taille de la sonde, cette technique est utilisable chez les chiens à partir de 7-8 kg). Nous utilisons couramment également l’échocardiographie 3D pendant les interventions chirurgicales, pour guider le chirurgien dans ses actes, la sonde étant cette fois-ci placée dans l’œsophage. Au centre hospitalier universitaire d’Alfort, il est même possible depuis quelques années de faire des scanners 3D du cœur, couplés à l’électrocardiogramme. Ceci nous a été très utile dans certains cas complexes avant correction chirurgicale. C’est incroyable de se dire qu’il y a encore 30 ans, l’échocardiographie se développait à peine !
Utilisation de l’échocardiographie 3D au cours d’une intervention chirurgicale cardiaque chez un chien. Crédits photo : IMMR (Paris, Dr. N Borenstein), Fondation Un Cœur et Unité de Cardiologie d’Alfort (UCA)
6) Aujourd’hui, est-ce que vous utilisez toutes ces techniques au quotidien ?
Oui. Si les échographies transoesophagienne et intracardiaques sont réservées à un contexte opératoire, nous utilisons le Doppler tissulaire, le Speckle tracking imaging et l’échographie 3D dans notre pratique quotidienne. Bien sûr, nous faisons appel en première intention à l’examen clinique couplé aux techniques d’imagerie médicale de base (échocardiographie 2D et Doppler spectral) mais si nous avons un doute sur l’état du myocarde, si nous souhaitons quantifier sa fonction, ou encore lors de malformations cardiaques particulières avant correction chirurgicale, nous utilisons alors les techniques ultrasonores plus avancées, comme cela est fait chez l’Homme adulte et l’enfant.
7) Et au niveau des médicaments, y a-t-il eu des avancées ?
Lorsque j’étais étudiante, nous disposions de deux médicaments en cardiologie : le furosémide (un diurétique) et la digoxine (un antiarythmique). Et encore, seul le furosémide disposait d’une AMM vétérinaire (sans même qu’un seul essai clinique n’ait été publié sur le sujet !). La première famille qui est venue compléter notre panel thérapeutique a été celle des IECA (inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, ndlr) grâce à plusieurs études pionnières dont celle, française, encadrée par le Professeur J-L Pouchelon à l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort. Il s’agit de la Bench study publiée en 1999. La famille des IECA a, en effet, été la première à faire l’objet d’essais cliniques contrôlés rigoureux. L’étude Bench par exemple a montré que les chiens atteints de maladie valvulaire dégénérative mitrale (MVDM) voyaient leur espérance de vie doubler lors d’utilisation de bénazépril ajouté au traitement par le furosémide avec ou non de la digoxine.
Maintenant, le praticien vétérinaire dispose de nouvelles molécules, étudiées dans des conditions rigoureuses : la spironolactone, le pimobendane et dernièrement le torasémide. Le torasémide est un diurétique plus « puissant » que le furosémide. Notre équipe a ainsi dirigé un essai clinique regroupant la France, l’Allemagne et l’Espagne, ayant montré que le torasémide (par comparaison au furosémide) contribuait à l’amélioration de l’espérance de vie et la régression des signes d’insuffisance cardiaque chez les chiens atteints de MVDM.
Là aussi, c’est impressionnant car on est passé de deux médicaments à tout un arsenal thérapeutique, avec des préparations vétérinaires et des essais cliniques contrôlés cadrant de façon factuelle l’utilisation de ces molécules. Maintenant, nous disposons vraiment de molécules calibrées d’un point de vue dosage, indications et effets (bénéfiques comme indésirables). La cardiologie a été une des premières disciplines vétérinaires à fournir un tel effort, l’usage des médicaments reposant à présent sur « l’evidence-based medicine » ou la médecine fondée sur les preuves.
8) Depuis quand est-il possible de faire des chirurgies cardiaques chez l’animal ?
Quand j’ai commencé à travailler à l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort, nous parvenions à faire des diagnostics. Cependant, j’étais frustrée de ne pas pouvoir proposer de solutions chirurgicales pour les affections que nous diagnostiquions de mieux en mieux.
La première chirurgie cardiaque chez le chien a eu lieu en 1952 aux Etats-Unis et consistait en une fermeture du canal artériel par thoracotomie. C’était la seule procédure qui se pratiquait donc à mes débuts. Par la suite, nous avons eu la chance de rencontrer le Professeur François Laborde, chirurgien cardiaque pour humains, un amoureux des animaux qui a voulu nous aider à augmenter l’espérance de vie de nos animaux cardiaques (« l’animal a tant donné à l’Homme en chirurgie cardiaque », disait-il « que nous lui devons bien cela en retour » !). Nous avons donc commencé à opérer des chiens (sans jamais prendre d’honoraires personnels, car le matériel est déjà très coûteux), atteints de persistance du canal artériel ou de sténose pulmonaire.
En 2002, les équipes du Professeur Laborde à l’IMM (Paris) et de l’UCA réunies ont tenté une première : l’opération à cœur ouvert / cœur battant de Rébus, petit chien atteint de sténose mitrale (une malformation caractérisée par un défaut d’ouverture d’une des valves cardiaques, la valve mitrale). Quelques mots d’explication : l’opération à cœur ouvert classique consiste à dériver le sang du cœur vers une machine remplaçant le cœur et les poumons, à arrêter le cœur, réaliser l’intervention chirurgicale, puis à faire repartir le cœur une fois la procédure achevée. Dans le cas de Rébus, il a été décidé, pour minimiser les risques et le temps opératoire, de ne pas arrêter le cœur ! le Professeur Laborde a ainsi fait une chirurgie plastique de la valve mitrale de Rébus, alors même que le cœur battait, ce qui fut extrêmement impressionnant voire émouvant ! L’histoire de Rébus, marquant une première mondiale en chirurgie cardiaque vétérinaire, a même fait, à l’époque, l’objet d’un article dans Paris Match.
De gauche à droite : Rébus, Voice (dans les bras du Dr C. Carlos Sampedrano, UCA) et Ida, après leur chirurgie respective. Crédits photos : Valérie Chetboul, UCA et Fondation Un Cœur
Depuis, il y a eu d’autres grandes premières. En 2005, a été posée pour la première fois une valve à cœur ouvert / cœur battant chez un chien atteint d’une malformation grave de la valve mitrale (il s’agissait de Voice, un magnifique Bull Terrier, référé du Sud de la France). Puis en 2010, a eu lieu avec succès la première intervention à cœur ouvert / cœur battant chez un chat Maine Coon. Il était également atteint d’une malformation cardiaque gravissime, caractérisée par la présence d’un obstacle dans l’oreillette gauche, empêchant le sang de circuler, avec pour conséquence un œdème pulmonaire résistant au traitement médical. Ce pauvre chat était perpétuellement en difficulté respiratoire. Grâce à l’intervention, il a pu atteindre l’âge de 12 ans, sans même avoir besoin d’un traitement particulier !
Notre « dernière première » réalisée avec l’équipe de chirurgiens de l’IMMR (Paris), ayant succédé au Professeur Laborde, est la pose d’une valve particulière (stent valvé) sans même ouvrir le cœur chez une petite chienne Beagle dénommée Ida, mascotte d’une caserne de pompiers. Ida était atteinte d’une malformation très grave de la valve pulmonaire, qui empirait de semaine en semaine. La seule solution était de lui changer sa valve. Ceci a été réalisé le 19 décembre 2018 grâce au don du dispositif (, un stent biocompatible très sophistiqué) par la société le fabriquant (Medtronic) et grâce à l’action bénévole de 12 vétérinaires, cardiologues et anesthésistes, tous unis pour tenter de sauver Ida : une belle chaine de solidarité ! Cela a été un succès et vous pouvez retrouver son histoire sur le lien suivant : https://www.peuple-animal.com/article,lecture,1839_chirurgie-cardiaque-un-nouveau-c-ur-pour-ida.html. A ma connaissance, au moment où l’on fait cet interview, Ida est toujours la seule chienne au monde à avoir pu bénéficier d’une telle procédure. Trois ans après, elle se porte comme un charme, au grand bonheur de sa famille.
Les équipes de l’IMMR (Paris), de l’UCA et d’anesthésie le jour de l’opération d’Ida. Crédits photos : Valérie Chetboul, IMMR et UCA
Quand j’y pense, c’est superbe ce que l’on a pu accomplir, grâce au soutien du grand public et grâce à ces collaborations uniques et sans faille tissées entre cardiologues (vétérinaires et non vétérinaires) et chirurgiens cardiaques. Les propriétaires ressentent toute la sincérité et l’énergie que nous mettons au service de leurs animaux et ils savent que nous ne le faisons pas dans un but lucratif. Notre unique intérêt réside dans la guérison de l’animal et la joie des propriétaires : notre plus belle récompense « en duo » et le côté magique de notre métier ! Je suis très heureuse d’avoir consacré mon temps professionnel à offrir cela à nos amis les animaux et leurs compagnons de vie. Les marques de reconnaissance souvent émouvantes que nous recevons quotidiennement de la part des propriétaires sont la preuve que je ne me suis pas trompée de chemin.
9) Est-ce que la cardiologie chez les autres espèces s’est développée en parallèle ?
Oui tout à fait. Chez les chevaux, il est aussi possible, par exemple, d’utiliser les techniques d’imagerie de Doppler tissulaire et de Speckle tracking imaging. Toutefois, cela s’est développé quelques années après l’avoir été chez le chien et le chat.
Avec le Dr. Norin Chai, un de mes anciens étudiants devenu ami, nous avons entrepris de développer ensemble la cardiologie au bénéfice de la faune sauvage. Alors vétérinaire à la Ménagerie du Jardin des Plantes, au début des années 2000, il m’a référé un premier animal cardiaque, un suricate qui faisait des malaises en raison d’une maladie cardiaque appelée la maladie d’Ebstein, ce qui n’avait jamais été décrit dans cette espèce. Nous avons mis en place un traitement par gouttes et nous avons réussi à arrêter ses malaises ! Nous avons fait notre première publication ensemble sur le sujet et de là est venue une collaboration plus grande avec le développement, entre autres, de programmes de dépistage chez les grands félins. En effet, nous avions remarqué que les cardiopathies étaient fréquentes chez ces animaux en captivité et il était important de le faire savoir pour orienter les programmes de reproduction, ces animaux étant en voie de disparition. En collaboration avec son équipe et celle des chirurgiens de l’IMMR, une panthère des neiges atteinte d’une sténose pulmonaire (rétrécissement de la valve pulmonaire) a même pu être sauvée grâce à une opération endovasculaire (en passant par les veines, sans ouvrir le cœur). Cela fut particulièrement délicat car elle avait de nombreux troubles du rythme cardiaque pendant l’anesthésie ! Un reportage TV avait été tourné pour l’occasion, il repasse de temps en temps à la télévision. Enfin, nous avons pu réaliser certaines missions cardiologie/faune sauvage auprès d’autres animaux comme les éléphants au Cambodge (en collaboration avec une association visant à recueillir les éléphants maltraités) ou les paresseux au Costa Rica.
Pr Valérie Chetboul réalisant une échocardiographie à un Grand Tatou Velu. Crédits photo : Fondation Un Cœur
Enfin, la cardiologie des NAC (Nouveaux Animaux de Compagnies, ndlr) s’est développée en parallèle de celle de la faune sauvage, avec un peu de retard. Il y a désormais une telle demande des propriétaires que nous avons ouvert une consultation de cardiologie spécifique pour les NAC à l’UCA l’année dernière, en collaboration avec le service NAC du Dr. C. Pignon et le Dr. C. Poissonnier. Les petits cardiaques sont tout autant des lapins, que des furets, des chinchillas, des cochons d’Inde, ou encore des reptiles et des oiseaux ! Tous les êtres vivants méritent notre attention et notre respect, quelle que soit leur taille. Avec mon équipe, nous essayons de leur donner le meilleur de nous-même.
10) Quelle est la place de votre unité à l’échelle internationale ?
L’UCA a fourni un travail important dans de nombreux sujets et a montré le dynamisme de la France dans le domaine de la cardiologie vétérinaire. L’école d’Alfort a été leader dans le développement de nouvelles techniques qui sont maintenant utilisées partout dans le monde.
Nous avons aussi participé à créer la société européenne de cardiologie vétérinaire (co-fondateur : le Pr. JL Pouchelon, également à l’origine de l’UCA), ainsi que plusieurs formations de spécialisation en cardiologie. Aujourd’hui, je fais partie de plusieurs groupes d’experts aux Etats-Unis où je représente la France et l’école d’Alfort pour l’établissement de recommandations (« guidelines ») en cardiologie et en échocardiographie.
Jamais je n’aurais cru que la cardiologie alforienne soit hissée à un tel niveau, quand j’ai commencé, à la fin des années 1980. Je n’oublierai jamais la confiance que m’a accordée le chef de service de médecine de l’époque, le professeur Moraillon, un visionnaire de la profession pour qui j’ai le plus grand respect. Si je devais choisir, je referais tout pareil ! Tout cela, c’est le travail d’une vie bien remplie, à la fois d’animaux et d’humains formidables sans qui tout ceci n’aurait pas été possible !
11) Après toutes ces avancées, avez-vous encore de nouveaux projets ?
Le Covid nous a coupé dans nos élans, mais j’ai plusieurs rêves oui ! Tout d’abord, nous travaillions à la mise au point d’un médicament qui stopperait le vieillissement de la valve mitrale, pour limiter la MVDM du chien. Nous étions soutenus par une société américaine mais des soucis techniques ont arrêté le projet. Je suis sûre qu’il aboutira un jour car nous étions presque au bout !
Hormis cela, j’aimerais que nous mettions au point une technique de correction mini-invasive, donc sans ouvrir le cœur, de la MVDM (maladie cardiaque la plus fréquente du chien), à l’instar des clips valvulaires utilisés chez l’Homme. Toutes ces techniques mini-invasives sont très intéressantes car elles présentent beaucoup moins de risques que les opérations à cœur ouvert. Enfin, il reste encore d’autres domaines à développer comme celui de la correction interventionnelle des troubles du rythme cardiaque. Certaines équipes le font déjà en Italie et aux États-Unis.
12) Quel est le rôle de la Fondation Un Cœur dans toutes ces avancées ?
J’ai participé à la création de la Fondation Un Cœur en 2013 dans le but de soutenir notre travail : les soins médicaux et chirurgicaux aux animaux cardiaques, qu’ils soient domestiques ou sauvages, la recherche clinique en cardiologie vétérinaire au seul bénéfice de l’animal malade, et l’enseignement de la cardiologie vétérinaire afin de faire progresser l’ensemble de la profession. Nous avons une telle demande à l’UCA de la part des propriétaires d’animaux de compagnie, qui se déplacent parfois de très loin, y compris de l’étranger, que nous avions besoin de financements extérieurs. Par ailleurs, la Fondation soutient tous nos programmes de dépistage de cardiopathies en faune sauvage car ils sont réalisés bénévolement. Elle finance aussi plusieurs postes et bourses pour des clinicats en cardiologie et en faune sauvage. Elle est composée d’une belle équipe de vétérinaires bénévoles, passionnés, d’horizons divers, présidée par un de nos confrères d’expérience, le Dr. Yves Michaud : je suis très reconnaissante de leur temps et de leur soutien, offrant à nos étudiants, nos confrères/consœurs et au grand public une très belle image de notre magnifique profession.
Merci à la Professeure Valérie Chetboul de nous avoir partagé l’ampleur de son travail et de sa passion à améliorer toujours plus la prise en charge des animaux.